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Philosophie de la parole

C’est facile de critiquer quelque chose qui suscite des états d’esprit négatifs. Plus précisément, je constate que les mots me viennent facilement à l’esprit pour dénoncer les failles de discours associés à des objets sur lesquels se fixent de la colère ou de l’aversion.

J’ouvre ici une parenthèse. Bien que je ne me considère pas bouddhiste (où du moins pas encore), j’ai énormément d’admiration pour la philosophie associée à ce grand courant religieux et c’est dans le contexte bouddhiste que je choisis de comprendre les termes que je viens d’employer, soit : « état d’esprit négatif », « colère », « aversion ». Je ferme la parenthèse.

Pendant longtemps, j’ai hésité à prendre la parole et à dénoncer les injustices que je constatais. En effet, je déteste le sentiment de colère et j’ai toujours eu peur de dire ou de faire des choses nuisibles sous son effet. En termes psychanalytiques, j’ai toujours refoulé la colère.

En même temps, j’ai toujours cru en l’effet bénéfique de la parole. Dans mon esprit d’enfant, je constatais que beaucoup de chicanes entre adultes auraient pu être évitées par la conversation qui dissipe les malentendus.

Il a fallu que je découvre la philosophie pour enfin comprendre que ce conflit entre le désir d’aller vers l’Autre et la peur de la colère qui détruit n’était pas honteux. Bien des gens au cours des siècles ont médité sur ce problème et ont tenté d’y apporter des solutions. Le logos, ou la faculté de communiquer ses pensées à travers un médium, que ce soit la parole ou l’écrit, est à la fois un cadeau précieux et une source inépuisable de conflits.

À mon point de vue, les philosophes sont tout simplement les gens qui placent la recherche de la connaissance au cœur de leurs préoccupations et qui ont comme moi le désir de partager cette connaissance avec leurs semblables dans le but, parfois inavoué, d’apaiser leur propre conflit intérieur.

Ainsi j’identifie clairement la motivation de ma prise de parole à celle de Socrate qui se disait « accoucheur d’esprits », évoquant de ce fait le métier de sa mère qui était sage-femme. Je cherche donc à aborder les autres comme des amis qui peuvent m’être de bon conseil, pourvu que je les comprenne bien. L’esprit dont je veux accoucher, c’est le mien. C’est un esprit à la fois « vieux », parce qu’il a accumulé des connaissances dans de nombreux domaines, mais aussi « neuf », parce que ma parole est malhabile, parfois cinglante, parfois doucereuse. Je me rends compte souvent de ma maladresse mais je fais le pari de persévérer dans ma pratique de la parole afin de l’améliorer.

Si vous je vous parais rustre ou méchant, j’en suis désolé. Si je sens votre amitié, je suis enchanté d’écouter ce que vous avez à m’apprendre. Puissent mes pensées, mes paroles et mes actions avoir le résultat de vous rendre service, c’est dans cet état d’esprit que je souhaite demeurer. Bonne journée.

Asclépios